Depuis treize ans, je fabrique des bijoux féeriques, inspirés par la forêt de Brocéliande et les ailes tombées de mes petites fées.
C’est un lieu à part, entre mythe et mousse, que je n’ai jamais cherché à revendiquer.
Un jour, en suivant un sentier presque par hasard, j’y ai vécu quelque chose d’impossible à raconter… mais que je vais quand même essayer de partager.
Un jour en forêt
Je n’avais pas prévu grand-chose ce jour-là.
Je voulais juste marcher un peu, seule, dans les bois. J’ai quitté les sentiers trop balisés pour chercher un peu de calme, et je me suis perdue.
Rien de dramatique, j’étais juste un peu désorientée, sans réseau, dans une forêt que je ne connaissais pas si bien.
Je me suis assise contre un tronc recouvert de mousse. J’ai bu un peu d’eau, j’ai fermé les yeux, et puis je l’ai vue.
La rencontre avec Rhoswen
Une toute petite fée. Avec des ailes comme celles d’une cigale. Elle voletait lentement, presque avec maladresse, dans la lumière. Et puis elle est venue se poser sur mes cheveux.
Je suis restée immobile, complètement figée.
Je ne sais pas si c’est elle qui m’a trouvée, ou si je suis tombée dans son monde par accident.
Mais pendant quelques secondes, tout était suspendu.
Une drôle de malédiction
Et puis… quelqu’un d’autre est arrivé.
Un vieux bonhomme, tout en barbe et en reproches, qui a surgi dans un nuage de poussière sèche. Il était furieux.
Il a dit que j’avais franchi une limite, que les fées ne devaient jamais être vues par les humains, et qu’il allait m’enfermer dans une prison d’air.
Je n’ai pas eu le temps de dire un mot.
La petite fée s’est mise à tourner autour de lui, en produisant de petits sons que je n’entendais pas vraiment.
Il s’est arrêté, l’a regardée longuement, puis il a soupiré.
Et il a dit :
« Puisque l’invisible ne vous est plus caché, je vous condamne à répandre la magie sur ce monde. »
Il a prononcé une formule incompréhensible, a tapé dans ses mains, et un nuage de paillettes s’est envolé dans l’air.
Je me suis sentie comme happée en arrière.
Et la seconde d’après, j’étais à côté de ma voiture, au bord de la route. Comme si rien ne s’était passé.
Les premières ailes
Je suis rentrée chez moi un peu sonnée.
Pas certaine de ce que j’avais vécu. Pas certaine non plus de ne pas avoir rêvé.
Mais le lendemain matin, au pied de mon lit, il y avait un petit panier.
Dedans, quelques ailes vertes, très fines, presque transparentes.
Des ailes de fée. Celles de Rhoswen, j’imagine.
Je ne savais pas quoi en faire. Je ne savais même pas pourquoi elles étaient là.
Mais j’ai gardé le panier près de moi. Et quelques jours plus tard, d’autres ailes sont arrivées.
Chaque fois différentes. Chaque fois accompagnées d’une sensation étrange.
Comme si quelqu’un, quelque part, m’observait.
Ma façon de créer
Alors j’ai commencé à créer.
D’abord sans trop savoir comment. Puis en apprenant.
Chaque bijou est fait à la main, à partir d’ailes tombées naturellement par des fées rêveuses.
Je les protège dans la résine, en essayant de préserver leur éclat, leur légèreté.
Les ailes sont déjà si belles quand je les reçois. Je n’ai rien à ajouter si ce n’est quelques paillettes.
Ce sont simplement des bijoux en résine faits main, fabriqués dans le calme, avec patience.
Pourquoi féeriques ?
Je n’utilise pas ce mot à la légère.
“Féeriques”, ce n’est pas pour faire joli.
Ce n’est pas une magie à strass, ni une fantaisie enfantine.
C’est autre chose.
Un fil invisible qui relie les choses, une manière douce de voir le monde.
Créer un bijou poétique, c’est essayer de capter ce fil-là. De le rendre tangible.
Je parle parfois d’artisanat féerique, ou de création artisanale féerique, parce que je n’ai pas trouvé de mots plus simples.
Mais ce qui m’importe, c’est ce qu’on ressent en les portant. Un apaisement. Un souvenir flou. Un petit décalage, presque imperceptible.
Quelque chose qui fait silence.
Peut-être que tout cela n’était qu’un rêve.
Ou une façon détournée de trouver ma place.
Mais tant que les ailes continuent d’arriver, je les accueillerai.
Et je continuerai de les transformer en bijoux. Discrets, légers, un peu à part.
Je crois qu’il s’attend à ce que je poursuive.
Et tant que ses lettres me parviennent, je le ferai.
C’est devenu ma mission.
Répandre la magie. Rejoindre la lutte.
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